Sous la domination romaine
puis sous les mérovingiens et les carolingiens
Lorsque
cette nouvelle religion arriva dans le Vexin, les premiers fidèles se
rassemblèrent en secret pour célébrer les Saints Mystères. C’est au
Coudray en Vexin qu’ils avaient creusé une église souterraine qui n’avait
que dix neuf pieds de long, onze de large et dix de haut. Une ceinture
de pierres de taille supportait la voûte. A trois pieds du mur du fond,
un autel isolé était préparé pour le prêtre. Lorsque les fidèles osèrent
pratiquer hautement leur religion, une église dédiée à Saint Martin
fut construite directement au-dessus de l’ancienne. En 1722, en creusant
dans l’église on découvrira cet ancien sanctuaire que l’on consacrera
sous le nom de chapelle Notre Dame de Pitié.(Laurent de la Bunodière
dans sa Notice sur la forêt et le pays de Lyons 1907)
Sous
la domination des ducs de Normandie
Charles
le simple, par le traité
de Saint Clair sur Epte en 912, abandonne une partie de la Normandie
à leur chef Rollon, à charge de recevoir le baptême.
Enfin pour assurer la paix, il lui donne sa fille Gisèle en mariage.
Toutefois en se faisant baptiser et en faisant baptiser avec lui ses
principaux officiers, il crut nécessaire d’en faire les prêtres de ses
villages, pour avoir un clergé dévoué. M de Larochefoucauld rapporte
les écrits d’Ordéric Vital « Ces prêtres, d’origine danoise, plus
instruits dans les armes que dans les lettres, envahirent violemment
la contrée désolée ; et toujours armés, ils défendaient leurs fiefs
par un service tout militaire. Ces néophites qui furent baptisés avec
Rollon établirent en Neustrie une grande dissolution de mœurs, à tel
point que non seulement les prêtres, mais encore les prélats avaient
des concubines et faisaient parade de la nombreuse famille qu’ils en
obtenaient.
Sous les
rois de France
Lorsque
vers 1260, l'Archevêque Eudes Rigaud vient visiter l'église, il constate
que "quatre chanoines de Saint Laurent servaient Dieu"
On
sait que les curés de Rosay seront en conflit avec les religieux de
Mortemer dès 1181.
Le
premier curé connu, Robert Langlois en 1492, l'est pour de nouveaux
conflits avec les moines. Après lui, Monsieur de Coquillères,
en 1520, qui devient évêque, puis Jacques Ferré
en 1550. Il faut ensuite attendre plus d'un siècle pour lire
le nom de Pierre Arachequesne en 1660 suivi de Le Coulteux
et J.B. Canu en 1695. L'année suivante, nous trouvons J. de
Haymet du Haume, curé. Il meurt en 1704 et sera enterré dans l'église.
En
1708, des réparations sont faites au pavé de la nef et au lambris du
chœur.
En
1711, les murs de clôture du cimetière, jugés trop bas, sont rehaussés.
En
1681, les habitants se cotisent pour la réparation du chœur de l'église.
A
la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème, on enterre pour une
somme modique dans l'église. Les églises sont devenues de véritables
nécropoles, lieux malsains et nauséabonds. On saura rester raisonnable
à Rosay. En 1698, un garde-forestier est enterré dans l'église.
Le
curé Costard affirmait en 1729 (mais c'était exagéré) que Rosay
avait été privé de prêtre pendant deux siècles. Il attribuait cette
carence aux guerres et à la situation malsaine (marécages) de l'endroit.
Il devait pourtant y rester, 29 ans de 1705 à 1734, assisté des vicaires
Lenfant, Dufour et Fortin.
Il
eut pour successeur le "fameux" curé Le Tailleur qui
voua une haine tenace à ses paroissiens. Il disait d'eux: "Ce sont
des diables tels qu'en parcourant toute la terre, on n'en trouverait
point de pire qu'eux. Il n'en existe même pas en enfer!! Les vielles
filles sont des gourgandines (filles de mauvaise vie), quant
aux jeunes, il n'y en a pas de pires sur le Pont-Neuf (Endroit chaud
à Paris), elles sont loin d'être des filles d'honneur. Les conseillers
de la fabrique (conseillers municipaux actuels) sont des coquins,
scélérats, gueux, fripons, vieux pieds corniers ( pieds du diable).".
Il interrompait ses offices pour aller souffleter celui ou celle dont
l'attitude lui déplaisait. Son cas relevant de la médecine, il fut retiré
de son ministère mais mourut cependant…à Rosay en 1749 âgé de 74 ans.
On
trouve ensuite comme curé, Demelle en1749, Anceaux en
1751 et Lesage toujours à Rosay en 1789. Avant la révolution,
la famille de Frémont possédait dans l'église un caveau avec au-dessus,
une chapelle.
Le
dix neuvième et le vingtième siècle
Après
la proclamation du Concordat en 1801 et la réouverture des églises,
officieront à Rosay, Louis-Jacques Bultel officie à Rosay.
En 1809, probablement du fait du tonnerre,
le toit du clocher fut en partie incendié et sa reconstruction financée
par une imposition exceptionnelle…
En
1866, sur proposition de Mr de Valon et à ses frais, le cimetière de
Rosay est agrandi.
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De nombreux habitants de Rosay ont
connu et aimé Monsieur l'abbé Bretocq, leur curé durant 37 ans, qui a
laissé le souvenir d'un pasteur chaleureux et généreux, d'un artiste amoureux
de toutes les formes de beauté. Son ami Monsieur Paul Deschamps, membre
de l'Institut a évoqué leurs voyages à travers la Normandie et la Bretagne
à la recherche de nouveaux trésors religieux. Il le voyait encore devant
une statue informe, empâtée d'une couche de plâtre aux couleurs criardes
devinant une création précieuse due au génie d'un grand sculpteur. Toute
sa figure s'animait alors, son intuition innée, son goût subtil lui permettait
de deviner le chef d'œuvre. Il se passionnait pour sa découverte et cet
homme naturellement bon se mettait en colère lorsque la restauration n'était
pas parfaite ou tardait trop longtemps. Au cours de ses 61 ans de prêtrise
(ordonné à Evreux le 15/10/1899) successivement vicaire à Notre Dame de
la Couture, Pacy sur Eure, curé des Botteraux, de Rosay (le 30/06/1923)
il avait vécu son sacerdoce comme un apostolat au service de l'Eglise
et de l'Art.
Nous
nous intéressons surtout ici à l'artiste qui a sauvé tant de statues,
restauré combien de sanctuaires ou défendu par sa parole et ses articles
ses chers monuments du Moyen-Age.
1-
l'abbé Bretocq, un passionné du mobilier sacré de nos églises et un
animateur des chantiers de restauration
Sa
vocation d'artiste était née au Proche-Orient à la fin de la première
guerre mondiale. Passionné d'archéologie, il avait réussi des photographies
de qualité des forteresses construites au XIIème et XIIIème siècle par
les croisés. Il avait ainsi appelé l'attention du Général Gouraud, notre
haut commissaire qui lui avait confié la mission de faire connaître
par l'image ce beau pays devenu protectorat français. A son retour de
métropole, il organise des conférences et présente des projections des
monuments du Levant. Sa nomination à la Cure de Rosay en 1923 lui permettra
de découvrir la statuaire du Vexin Normand. Il entreprend alors une
action inlassable pour tirer de l'oubli et mettre en valeur les belles
vierges en bois de Ménesqueville et de Rosay (XIIIème). Puis, ce sont
les admirables statues de pierre du XIVème qu'il va faire décaper et
rendre à leur fraîcheur originelle. Successivement nous seront révélées
les vierges de Mainneville (commandée par Enguerrand de Marigny pour
la chapelle de son château), Sancourt, Surtauville, sans oublier les
joyaux d'Ecouis, de Beauficel et Lisors. Avec une patience infinie,
il avait pu reconstituer en partie l'histoire de ces vierges nées au
temps de St Louis ou de Philippe Le Bel sous le ciseau d'un artiste
grâce à la générosité de quelques familles du Vexin (les Estoubreuille
à Beauficel, les Trib à Sancourt, les Crespin à Lisors…). Toutes ses
préférences allaient vers Notre Dame de Lisors. La noblesse et la sérénité
du visage, la drapée de la robe, l'élégance de son maintien attestaient
de son origine: l'Atelier Royal. Il y voyait la réplique de la célèbre
vierge de vermeil de la Reine Jeanne d'Evreux.
Malheureusement,
la vierge de Lisors a perdu son enfant. Malgré tous les efforts de l'abbé
Bretocq, le corps du Petit-Jésus n'a pu être retrouvé. Seule une merveilleuse
tête d'enfant au sourire angélique, aux cheveux ondulés a été découvert.
C'est une œuvre exceptionnelle dans l'histoire de l'art de cette époque
et qui évoque déjà les "bambini" de la Renaissance Italienne!
L'abbé Bretocq poursuivit ses travaux en faisant connaître les figures
pathétiques du Christ d'Etrépagny et de Boisemont, la St Catherine de
Mesnil sous Vienne…
Très
affecté après la seconde guerre mondiale par l'état d'abandon de nombreuses
églises, il décide de montrer l'exemple en ouvrant un chantier de restauration:
st Aubin de Ménesqueville. Les murs de pierre furent mis à nu, la charpente
décapée, l'Autel et le Tabernacle retrouvèrent leur emplacement primitif.
Ainsi, il faisait revivre avec son mobilier, ses vitraux inspirés du
Cantique des Cantiques (dus au maître verrier Decorchemont).une église
romane du XIIème siècle . Il entreprit ensuite la construction du calvaire
de Rosay avec les belles pierres de taille de l'église St Nicaise de
Rouen détruite par un incendie..
Enfin,
il commença la rénovation de Notre Dame de Rosay cherchant à créer une
atmosphère de recueillement et de beauté. Malheureusement, il n'eut
pas le temps de terminer cet ouvrage.
2- un
défenseur du patrimoine artistique par la parole et la plume
Membre
de l'Association des Monuments et Sites de l'Eure, l'abbé Bretocq a
été l'un des précurseurs de l'inventaire et du classement de notre patrimoine
religieux. Il saura ainsi convaincre le Service des Monuments Historiques
de s'intéresser aux Abbayes de Fontaine Guérard et de Mortemer, à la
Collégiale d'Ecouis.
A la demande du curé d'Ecouis, il était monté dans la chaire de la Collégiale
pour prononcer l'homélie du 15 Août 1939. Il avait montré que ce monument
de pierre par sa magnifique gloire de Dieu avait plus d'éloquence que
les hommes… Rappelant la fondation et la consécration par le légat du
Pape, Nicolas de Fréauville, le 09/09/1313, de Notre Dame d'Ecouis,
il avait évoqué la personnalité d'Enguerrand de MARIGNY, premier ministre
de Philippe le Bel, condamné au gibet de Montfaucon en 1315, (mais réhabilité
deux ans après). Puis, il avait inventorié les richesses de la collégiale:
l'incomparable Vierge, Ste Véronique avec son voile (ciselé à la perfection
où transparaît le visage divin), l'Ecce homo…!
Il
avait terminé par une prière à Notre Dame d'Ecouis souhaitant que l'enfant-jésus
laisse échapper la colombe de la Paix dont le monde avait tant besoin
à quelques semaines de la guerre.
De cette époque, l'abbé Bretocq devint un collaborateur actif de "Semaine
Religieuse" et de nombreuses autres revues. Il publiait périodiquement
les compte-rendus de ses travaux. Photographe émérite, ses innombrables
clichés ont illustré pendant trente ans les ouvrages religieux.
Le
dimanche 25 novembre 1951, ses immenses services rendus à l'Art et à
l'Histoire étaient solennellement récompensés par la remise de la Croix
de la Légion d'Honneur. Nommé chanoine honoraire de la Cathédrale d'Evreux
le 17/10/1955, il devait s'éteindre six ans plus tard dans son presbytère
de Rosay. Hélas, il n'avait pu terminer le livre magnifique qui aurait
été le couronnement de sa carrière: "L'art marial dans le diocèse
d'Evreux". Néanmoins, la revue canadienne "Marie" (septembre
1957) et les "Nouvelles de l'Eure" (N°38 1970) ont publié
l'essentiel de son œuvre.
Pendant
quarante ans l'abbé Bretocq a mis son ardeur enthousiaste à faire connaître
et admirer le patrimoine religieux du Vexin. Nous n'oublierons pas qu'il
fut surtout le chantre de Notre Dame et nous conserverons son message:"…tout
ce qui est beau sur la terre, tout ce qu'il y a de précieux dans l'héritage
du passé, c'est un reflet de la Beauté Eternelle"
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L'article
ci-dessous de M-A DOLLFUS évoque l'histoire de la chapelle, les croyances,
traditions et sa sauvegarde à l'initiative de l'abbé BRETOCQ
(
Histoire de Lyons-la Forêt : conférence
de M-A Dollfus 1975 )
« Avant
1802 outre l’église paroissiale existaient dans la paroisse de Lyons
un certain nombre de chapelles publiques ou privées, il en reste qu’une
encore consacrée, c’est la chapelle Saint-Jean sur la place de l’Essart-Mador
aux Taisnières. Un culte y est régulièrement célébré lors de la fête
de la Saint-Jean, le samedi le plus proche du 21 juin.
Cette
ravissante petite chapelle située à l’orée de la forêt a été fondée
le 29 septembre 1634 par Jean de Nolléval, avocat au parlement de Normandie.
L’acte
de fondation sur parchemin existe aux archives de la Seine-Maritime,
il a été établi pour «faire bâtir sur ses terres de l’Essart-Mador une
chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste ». L’acte
est passé devant maître Simon Gouberville et fut enregistré au
baillage de Lyons le 16 Juin 1635. En 1738, elle était toujours à la
présentation du sire de Nolléval. Le desservant pouvait être un régulier
ou un séculier. Il n’était alors pas rare que ce fut un des moines cordelier
de Lyons. Une décision diocésaine indique en 1716 que le desservant
devra en outre assurer l’école aux enfants de l’Essart. Mais ce service
n’allait pas toujours sans protestation des moines. Le gardien des religieux
cordeliers en 1772 envoie une lettre disant «que les religieux ne peuvent
desservir la chapelle en y allant dire la messe tous les dimanches à
moins de trois livres par voyage, car il y faut transporter de nombreuses
choses qui y manquent et qu’il n’y a pas de pied à terre pour s’y reposer
et que la chapelle est à une demie lieue de Lyons ». On venait
en pèlerinage le jour de la Saint-Jean et l’on y célébrait les vêpres
le 23 juin, jour où l’on allumait le feu sur la place proche.
Cette
coutume s’est perpétuée jusqu’à nos jours en perdant un peu ces dernières
années son caractère folklorique et populaire local. Après la cérémonie
dans la chapelle, le curé venait allumer le feu conjointement avec le
maire, le feu était béni et alors commençait les rondes, le tir dans
la couronne pour l’abattre. Enfin quand le feu diminuait il fallait
s’emparer d’un brandon brûlant qui ramené à la maison était une assurance
contre l’incendie. Je n’ai personnellement presque jamais omis de le
faire.
Dans
les années trente, la chapelle était menacée de ruine mais un comité
de sauvegarde fut constitué par l’abbé Bretocq, curé de Rosay et, les
sommes recueillies permirent la réparation. L’inauguration fut faite
le 2 juillet 1933 suivie d’un banquet dont j’ai conservé le menu copieux
illustré d’une vue de la chapelle et des armes des Nolléval. Après la
dernière guerre, l’abbé Bretocq compléta cette remise en état par la
pose d’un beau vitrail de Décorchement. La toiture a été refaite par
la municipalité dans les années soixante. Dans l’intérieur se trouve
une peinture due à un artiste local et une statue de saint qui n’est
pas Saint-Jean mais un diacre : la coutume veut qu’il guérisse
les hernies des jeunes enfants. Il présente quelques rubans phylactères.
Une autre croyance bénéfique veut que pour assurer cette guérison il
faut le Vendredi Saint, enterrer au pied de l’arbre proche de la chapelle
un œuf de poule noire. On pourrait évoquer la ressemblance de la saillie
de la hernie avec la forme d’un œuf. Quelques graffiti anciens se voient
sur les pierres extérieures représentant des personnages et un calvaire. »
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